Le Rhin : un exemple édifiant d’aménagement



Jusqu'au milieu du XIXe siècle, le Rhin était un fleuve libre, peu perturbé par l’action des hommes. Ses bras multiples formaient un réseau enchevêtré qui abritait de nombreuses îles couvertes de forêts alluviales foisonnantes, parmi les plus riches d'Europe occidentale. Ses eaux hébergeaient une quarantaine d’espèces de poissons, dont le saumon. Ses crues fréquentes inondaient les forêts, entretenant une grande diversité animale et végétale, et alimentaient la nappe phréatique rhénane. Mais, lors de ses crues, le Rhin devenait violent et causait des dommages importants aux villages voisins, et la navigation y demeurait difficile.
On chercha à apprivoiser ce Rhin sauvage en édifiant entre 1830 et 1936 un réseau continu de digues. Un chenal permanent fut également construit pour faciliter la navigation. Ces premiers aménagements réduisirent la largeur du fleuve d’environ 14 % et enfoncèrent son lit ; en outre, en limitant son champ d’inondation, ils appauvrirent les forêts rhénanes. Malgré tout leurs effets restaient limités et les saumons pouvaient encore remonter le Rhin pour y frayer. Mais la canalisation du Rhin, entreprise dès 1930 avec l’édification du Grand Canal d’Alsace, eut des conséquences délétères bien plus graves. Ses objectifs étaient d’améliorer la navigation et d’exploiter l’énergie hydroélectrique. En réalité, les populations situées en aval du secteur aménagé furent exposées à un risque accru d’inondation. En outre, plus de 50 % des forêts furent détruites sur la rive française et la dégradation de la qualité des eaux, dans les années 1950 et 1960, fit disparaître les poissons migrateurs, comme le saumon, et appauvrit considérablement la faune piscicole. Enfin, la réduction des champs inondables du Rhin réduisit l’alimentation de la nappe phréatique rhénane tout en la privant de ses filtres purificateurs naturels qui la débarrassaient des nitrates et des phosphates.
Aujourd’hui tous ces efforts paraissent désuets car les deux objectifs de navigation fluviale et de production d’énergie hydroélectrique ont beaucoup perdu de leur intérêt. On assiste donc à une multiplication d’actions et de projets nouveaux visant à concilier la gestion des crues pour sécuriser les populations riveraines, la gestion des milieux naturels pour restaurer leur biodiversité, et la gestion de la nappe phréatique pour favoriser sa ré-alimentation en eau de bonne qualité.
Source : d’après le CNRS, Sagascience, L’eau douce.