Pollutions et dépollution du Rhin



[...] Un cinquième des eaux du Rhin sont utilisées pour la consommation urbaine ou industrielle alors qu’en 1960 il n’existe pratiquement pas de station d’épuration. A Bâle, les trois géants mondiaux de la chimie (CIBA, Sandoz et Roche) déversent des résidus chimiques dangereux et des composants pharmaceutiques parfois toxiques rejoignent le Rhin. [...]
L’Allemagne avec sa longue façade urbaine, portuaire, industrielle et les puissants konzern de la Ruhr, n’est pas en reste. Ses trois géants de la chimie (Bayer, BASF et Hoechst) sont aussi redoutables que les usines bâloises : pas moins de 6,7 millions de tonnes de chlorures par an. Enfin, les géants néerlandais, la Shell, Unilever ou Azko, ne sont pas non plus les derniers à polluer.
A l’arrivée dans le port de Rotterdam, le constat est terrible : 7 millions de m3 de boue contaminée par 14 tonnes de cadmium et 4 tonnes de mercure se déposent chaque année dans les bassins du port ; 15 millions de tonnes de sel, 420 000 tonnes de nitrates et une quantité indéterminée de pesticides qui empoisonnent les ressources en eau potable. Tant que les boues charriées par le Rhin n’étaient pas trop polluées, les autorités de Rotterdam pouvaient les écouler comme engrais, les utiliser pour renforcer les digues, voire immerger loin en mer. [...]
La Commission Internationale pour la Protection du Rhin (CIPR) créée en 1950 regroupe la France, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays Bas et la Suisse. Longtemps, elle limite son action à mesurer la pollution. En 1989, elle présente un plan de dépollution accepté par tous les riverains [suite à l’incendie de l’usine chimique Sandoz en 1986 à Bâle qui a provoqué une véritable prise de conscience].
La lutte engagée commence à porter ses fruits. Le Rhin va mieux. « Il est sorti de la salle des urgences, mais pas de l’hôpital » déclare un ministre néerlandais. Quelques points noirs subsistent. Les mousses et algues microscopiques restent trop nombreuses, les boues contaminées du port de Rotterdam ne sont pas toutes évacuées. Le fleuve est canalisé, dévié, calibré, barré. « Il coule dans un carcan de béton qui pourrait devenir son cercueil ». Tous les aménagements, barrages, endiguements, en transformant l’écosystème font plus de mal que les pollutions ponctuelles.
La CIPR a encore « du pain sur la planche ».
Source : Extrait de Georges MUTIN, De l’eau pour tous ?, Documentation Photographique, n° 8014, 2000.