De la catastrophe à la prise de conscience environnementale



Extrêmement pollué dans les années 70, le Rhin est un fleuve propre depuis peu. Mais il a fallu une catastrophe écologique pour que les États riverains passent aux grandes actions.


Durant des dizaines d’années, le Rhin aura été l’un des cloaques les plus répugnants d’Europe. Le fleuve a aujourd’hui recouvré une bonne santé, grâce au travail coordonné de l’ensemble des États riverains. Symbole de cette récupération, le noble saumon est réapparu dans ses eaux : on en a pêché près de 300 depuis 1990. Mais le chemin fut bien long. [...]
Le traité de 1816 – l’un des plus anciens d’Europe – avait défini le statut du Rhin en tant que voie navigable. Rediscuté en 1831 à Mayence, il a été remplacé en 1868 par l’Acte de Mannheim, qui a créé une première Commission centrale du Rhin chargée, depuis Strasbourg, de veiller à la libre circulation sur cette «voie d’eau internationale». [...]
Les riverains du fleuve ont ensuite vécu un véritable traumatisme en novembre 1986, lors de l’incendie de l’usine chimique Sandoz près de Bâle. A Schweizerhalle, des quantités énormes d’insecticides et de pesticides ont été déversées dans le fleuve avec l’eau utilisée par les pompiers pour combattre les flammes. La conscience environnementale a ainsi pris une autre dimension, les populations concernées et leurs représentants exigeant des industriels des mesures plus draconiennes.
Engagement a été pris de réduire de moitié, avant 1995, les taux de diverses substances polluantes jugées prioritaires. Bon nombre de spécialistes pensaient que cet objectif ne serait jamais atteint. Pourtant, d’après les relevés de la CIPR, le mercure charrié par le Rhin à Bimmen-Lobith en Allemagne (près de la frontière néerlandaise) est passé de 6 tonnes par an en 1985 à 3,2 tonnes en 1992, le cadmium, de 9 à 5,9 tonnes, le zinc de 3 600 à 1 900 tonnes, l’atrasine de 10 à 3,7 tonnes et les PCB de 390 à 90 kilogrammes durant la même période.
Des stations d’épurations chimiques spécifiques ont par ailleurs été construites en amont et en aval de Schweizerhalle. « Le programme de 1987 a permis d’imposer l’idée que le Rhin était un système écologique global. ». [...]
Un accord d’un tout autre genre a été conclu dès 1886 entre les cinq États riverains du fleuve : la Commission internationale du saumon, menacé de disparition dans le bassin du Rhin, a vu le jour afin de protéger ces poissons migrateurs de la pollution et de l’obstacle que constituaient pour eux les barrages. L’idée d’un écosystème intégré, qui permette au Rhin mais aussi à ses affluents d’accueillir une faune et une flore diversifiées, a progressé [...] visant la reconstitution d’espaces naturels dans le cadre d’un système écologique global, de l’embouchure du Rhin, jusqu’au Jura et aux Alpes, en passant par le massif schisteux rhénan, les anciennes forêts humides de la plaine, les ruisseaux du Palatinat, de la Forêt Noire ou des Vosges [...].
Source : Extrait de l’article Le « miracle » du Rhin rédigé par Urs WEBER, rédacteur en chef du supplément régional du quotidien suisse Basler Zeitung (Bâle), publié sur le site de l’UNESCO en 2006. Lire l’intégralité de l’article