L'ampleur de la catastrophe qui s'est abattue sur la Louisiane et La Nouvelle-Orléans a pris sa réelle dimension, mercredi 31 août. Ray Nagin, le maire de la ville - dont plus de 80 % de la superficie sont inondés - a donné une première estimation du nombre de personnes tuées par l’ouragan Katrina. "Nous savons qu'il y a un nombre important de cadavres dans l'eau et d'autres dans les greniers. Au minimum des centaines, et plus probablement des milliers. (…)
George Bush s'est adressé, mercredi en fin d'après-midi, aux Américains, depuis la Maison Blanche, après avoir survolé en avion les Etats frappés par Katrina. "Nous sommes confrontés à l'un des pires désastres naturels dans l'histoire américaine. Le rétablissement prendra du temps, prendra des années. Plus de 78 000 personnes sont dans des refuges d'urgence et des dizaines de milliers de maisons et de commerces ne sont plus réparables." (…) Après avoir été assez lentes à réagir, lundi et mardi, les autorités civiles et militaires ont été plus efficaces mercredi. La marine américaine a mené l'une de ses plus importantes opérations de sauvetage en envoyant le long du golfe du Mexique quatre navires.
"C'EST LE CHAOS, LÀ-BAS"
Le ministère de la sécurité intérieure, ceux de la santé, des transports et de l'agence de protection de l'environnement ont mobilisé des moyens très importants. Des équipes de la Croix-Rouge, accourues de tout le pays, ont convergé vers la région dévastée mais avaient du mal à l'atteindre tant les voies de communication restent endommagées. Pendant toute la journée de mercredi, le corps du Génie de l'armée américaine a tenté de combler les brèches dans les digues qui isolaient la Nouvelle-Orléans des lacs qui l'entourent. Utilisant des hélicoptères lourds, il a largué des sacs de sable et de graviers géants de 1 500 kg et des barrières de béton pour tenter de ralentir la montée des eaux. (…)
Les 25 000 réfugiés qui s'entassent dans des conditions sanitaires de plus en plus difficiles dans le stade couvert du Superdome seront transférés, à partir de jeudi, par des convois de bus à 500 km à l'ouest, dans une autre enceinte sportive fermée, l'Astrodome de Houston, au Texas. "S'il le faut, nous les emmènerons aussi par bateau, par hélicoptère, par tous les moyens nécessaires", a affirmé Mme Blanco. "Les problèmes logistiques sont devenus impossibles à résoudre et nous devons évacuer tout le monde. Il n'y a pas d'électricité et il est devenu extrêmement difficile d'acheminer de l'eau et de la nourriture", a-t-elle ajouté.
Il resterait environ 80 000 personnes dans la ville, évacuée dimanche par un million de ses habitants. Ceux qui sont restés n'ont pas obéi aux ordres d'évacuation ou en étaient matériellement incapables. Privés d'eau potable depuis deux jours, certains commencent à tomber malades et à avoir des fièvres après avoir bu de l'eau polluée.
En termes de sécurité, la situation est encore plus préoccupante. Les quartiers sont à la merci de bandes armées. "C'est devenu le chaos, là-bas", a reconnu H. L. Whitehorn, directeur de la police de l'Etat de Louisiane, dont les forces ont été débordées. Une situation illustrée par les pillages massifs des centres commerciaux et du quartier historique français (French Quarter), ainsi que par le vol de dizaines de voitures. Des armureries ont été forcées et dévalisées. Dans le désordre ambiant, de nombreux coups de feu ont été tirés, dont certains visaient des hélicoptères venant secourir des personnes. Des résidents armés sont sortis dans les rues afin de restaurer l'ordre eux-mêmes.
Source : © Le Monde, 1er septembre 2005, Eric Leser