L’explosion mortelle



Cinq morts, un disparu, huit blessés hospitalisés dont un dans un état désespéré : tel était le terrible bilan en fin de journée de la série d’explosions qui s’est produite hier à la raffinerie Total de La Mède, à 30 kilomètres de Marseille, au bord de l’étang de Berre. Cette catastrophe [...] est l’une des plus graves qui ne se soient jamais produites en France dans une installation pétrolière, la plus grave depuis l’accident et l’incendie de Feyzin dans le Rhône, qui tuèrent 18 personnes le 4 janvier 1966. Il était environ 5 h 30 du matin, hier, lorsqu’une gigantesque explosion dont le grondement a été entendu jusqu’à Marseille désintègre le temps d’un éclair la tour du « crackeur catalytique » de l’usine […]. La violence de l’explosion « brisante » qui aurait fait suite à l’inflammation d’une fuite de gaz a littéralement soufflé la salle de contrôle située au pied de la construction - un véritable bunker, bourré d’instruments de commande et de surveillance électronique - où se trouvaient sept des victimes. […] Plusieurs déflagrations suivaient cette première explosion en affectant d’autres unités de production, alors que la direction de l’entreprise déclenchait l’alerte maximale et que la préfecture mettait en place le plan rouge ainsi que le plan particulier d’intervention (PPI) qui permet de mobiliser l’ensemble des moyens de secours de la région, y compris ceux, spécialisés, des autres raffineries. Le site Total relevant, comme onze autres autour de l’étang, de la « Directive Seveso » sur les établissements susceptibles de provoquer des accidents majeurs. […] Si des prélèvements aériens concluaient à l’absence de toxicité de l’air, évitant à la cellule de crise de faire évacuer la population alentour, les tonnes d’eau et de mousse carbonique utilisées pour combattre le feu, polluées par les hydrocarbures, menaçaient en revanche de se déverser dans l’étang, [...] le site semblant dépourvu de bassins de rétention suffisants. [...] La direction de l’entreprise, en tout cas, a tenté de prendre les devants, affirmant qu’elle ne « s’expliquait pas ce qui s’est passé » et précisant « qu’il n’y avait eu aucune réduction d’effectif dans les services de sécurité ». C’est loin d’être l’avis général. [...] La CGT souligne que « la réduction des effectifs, la dégradation de la maintenance des installations, le recours à la main-d’oeuvre précaire, l’automatisation à outrance aboutissent à la montée des risques de catastrophe ».
Source : Lucien Degoy, l’Humanité, édition du 10 novembre 1992. http://www.humanite.presse.fr/journal/1992-11-10/1992-11-10-664060