David Camroux, chercheur en relations internationales et spécialiste de l'Asie à Sciences-Po : «Pas de déstabilisation des économies»


L'économie asiatique sera-t-elle durablement éprouvée par ce séisme ?

C'est un choc brutal, mais il ne devrait pas provoquer de déstabilisation générale pour les économies du Sud-Est asiatique. La plupart des pays touchés ont assaini leurs économies depuis la crise de la fin des années 90 et procédé à des réformes importantes qui font que la croissance devrait y rester soutenue à moyen et long terme. Cela reste avant tout un drame humain qui frappe de plein fouet des économies côtières de subsistance déjà fragile et des zones touristiques circonscrites. Mais cela ne pèse rien ou presque à l'échelle du continent asiatique.


Quels sont les pays les plus affectés ?

Ce sont les zones les moins diversifiées dans leurs activités économiques (pêche ou tourisme) qui vont le plus souffrir. En Thaïlande, où le tourisme est assez diversifié entre le culturel au nord et les plages au sud, la catastrophe ne touche qu'une région limitée. Une première estimation fait état d'une chute de l'activité touristique du pays de l'ordre de 10 % en 2005 sur des recettes annuelles d'environ 5,6 milliards d'euros. Même s'il faudra sans doute plusieurs années pour rétablir l'infrastructure hôtelière, le pays a les capacités de se relever. La situation est plus délicate au Sri Lanka. Le secteur du tourisme y était en pleine croissance [...]. Cette activité étant très tournée vers le balnéaire, les conséquences risquent d'y être beaucoup plus rudes.


Et l'Inde ?

La croissance y est très forte et l'économie très diversifiée, avec une forte composante liée aux nouvelles technologies et aux services. La région du Tamil Nadu et sa capitale Madras ne sont pas des centres industriels très importants pour le pays. Là encore, le tourisme est plus culturel que balnéaire. Les principales régions de tourisme côtier, le Kerala et l'enclave de Goa, à l'ouest, n'ont pas été touchées.


Cette tragédie peut-elle amener certains de ces pays à modifier leur dépendance au tourisme ?

En Thaïlande, les critiques sont déjà vives pour remettre en cause un modèle de croissance dont les conséquences sur l'environnement (urbanisation à outrance des côtes, déforestation) sont connues. Aux Maldives, dont plusieurs îles sont menacées par la montée des eaux, les débats sont de plus en plus animés sur le modèle de développement envisagé. Ces raz de marée ne sont certes pas dus à une intervention de l'homme, mais beaucoup de gens en Asie les ressentent comme une revanche de la nature et un avertissement divin.
Source : Article de Christophe ALIX, journal « Libération », mercredi 29 décembre 2004