Les manques de l’océan Indien en matière de prévention



George Pararas-Carayannis, ex-directeur du Centre international d'information sur les tsunamis à Hawaï : «Personne n'aurait dû être surpris»


[…] L'océan Indien ne fait pas partie de la zone Pacifique qui est sous la responsabilité du centre d'alerte pour les tsunamis du Pacifique (PTWC) de Hawaï. C'est pour cette raison que ses scientifiques n'ont pas pu lancer l'alerte rapidement.
Et qu'ensuite, celle-ci n'a pas été entendue dans les régions menacées. […] L'océan Indien dispose d'infrastructures de base pour les mesures sismiques et les communications. Et personne n'aurait dû être surpris, puisqu'un séisme de magnitude 8,1 s'était produit le 24 décembre. Il aurait dû alerter les autorités. Mais il manque d'abord la volonté politique des pays concernés, et une coordination internationale à l'échelle de ce qui s'est construit dans le Pacifique. Le premier élément d'une politique d'alerte est la mise en place de programmes d'éducation de la population à long terme. A Hawaï ou au Japon, n'importe quel écolier des régions côtières sait la conduite à tenir en cas d'alerte. Même si l'annonce n'est pas officielle, une personne percevant un séisme sait ce qu'il faut faire. Ensuite, tout est question de planification et d'organisation. A l'intérieur même d'un pays, et entre les différents États de la région. Le tout doit être placé sous la responsabilité d'un centre de coordination, capable de joindre les bonnes personnes à tout instant. Il faut aussi que les officiels soient entraînés à disséminer efficacement les alertes sur le terrain. Même si l'alarme avait été donnée à temps dimanche, l'information n'aurait pas pu parvenir aux populations des villages côtiers.


Peut-on protéger les populations contre les tsunamis ?

Bien sûr ! Il faut d'abord éviter de raser les obstacles naturels, capables d'atténuer la force des vagues et des projectiles. Car les tsunamis charrient de nombreux objets qui sont souvent plus dangereux que l'eau elle-même. Les mangroves jouent par exemple ce rôle protecteur (beaucoup ont été rasées pour construire les complexes touristiques et des fermes aquacoles, ndlr). A Hawaï, après le tsunami de 1960, les codes de construction ont été revus. Et de nombreux hôtels en bord de mer ont été bâtis de manière que les deux premiers étages soient le moins peuplés possible. De même, on peut envisager de construire des plates-formes surélevées dans les villages côtiers, où la population peut se réfugier en cas d'alerte ­ c'est ce que j'ai recommandé en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Certes, cela représente des investissements, d'autant plus difficiles à financer que ces pays sont pauvres. Mais, encore une fois, c'est d'abord l'éducation des populations et des officiels qui permettra de progresser.
Source : Denis DELBECQ, Libération, mardi 28 décembre 2004