La publicité à l'heure de la lutte anti-obésité



A la demande des pouvoirs publics, des messages sanitaires seront désormais apposés sur les publicités pour les produits alimentaires ou les boissons sucrées.
Le bras de fer qui opposait jusqu'ici pouvoirs publics, industries agroalimentaires et publicitaires vient de s'achever, avec la semi-déroute de ces derniers. « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour », « pratiquez une activité physique régulière », « évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé », « évitez de grignoter entre les repas » : ces slogans, qui fleurent bon les conseils du médecin de famille, surgiront en effet fin février 2007 dans toutes les publicités pour les produits alimentaires manufacturés ou les boissons sucrées quel que soit le support (radio, télévision, cinéma, presse écrite, affiches, Internet et prospectus). A chaque fois, le site www.mangerbouger.fr devra être mentionné. Ces slogans sanitaires apparaissent comme l'une des mesures phares de la lutte contre l'obésité, inscrite dans la loi du 9 août 2004. Voici les industriels sommés de s'impliquer dans un vrai combat de santé publique, tandis que 12,4 % des Français adultes sont aujourd'hui en situation de surpoids contre 8 % en 1997. [...]


Le pire évité aux industriels


Industriels et publicitaires ont échappé au pire : « la suppression de tous les messages publicitaires à destination des enfants portant sur les produits alimentaires sucrés ou salés jugés risqués », relève Marie-Pierre Bordet. [...]
Natalie Rastoin, directrice générale du groupe Ogilvy et membre de la Commission des Affaires publiques consacrée à la nutrition à l'AACC, insiste sur l'ambiguïté possible des messages : « Ce texte, qui est aussi une manière de s'offrir une bonne conscience à peu de prix, crée une étrange distorsion entre les actes, intervient-elle. Soit les publicitaires refusent d'apposer la mention, paient la taxe de 1,5 % mais paraissent s'absoudre de leur devoir de citoyen ; soit l'application systématique des mentions risque d'apparaître équivoque. Ainsi, une publicité pour un yaourt aux fruits comportant la mention «Mangez cinq fruits et légumes par jour » envoie un métamessage. Que doit-on comprendre ? Ce yaourt comporte déjà des fruits donc vous n'avez pas besoin d'en consommer ? Ou, à l'inverse, ce yaourt ne comporte aucun fruit, complétez votre alimentation ? » [...]


Texte édulcoré


Certains jugent en revanche le texte édulcoré sur de trop nombreux points sous les pressions du lobbying de l'industrie agroalimentaire. La taxe de non-insertion de messages a ainsi été ramenée de 5 % à 1,5 %. [...] Autre grief, ce texte aborde à peine la question de l'exposition des enfants à la pub. L'UFC-Que Choisir avait relancé le débat en publiant en septembre une étude pointant l'omniprésence de publicités pour des produits sucrés ou gras dans les programmes télévisés pour enfants, alors que plus de 10 % des 5-12 ans sont obèses. Or, le décret se contente de suggérer d'y insérer des messages adaptés (avec le tutoiement notamment). [...]


La Grande-Bretagne plus sévère


Bref, on est encore loin des efforts engagés par d'autres pays de l'Union européenne. Ainsi, depuis le 1er janvier, la publicité pour la « junk food » est prohibée en Grande-Bretagne durant les programmes pour enfants. Et ce dans la lignée de précurseurs tels que la Suède et la Norvège. Par ailleurs, les associations de défense de consommateurs, dont l'UFC, ont tenté d'inciter les parlementaires européens à insérer un amendement encadrant davantage les pubs télévisées pour enfants dans la directive « Télévision sans frontières », débattue à Bruxelles en décembre dernier. Mais sans succès : les émissions de télévision peuvent désormais être interrompues par la publicité toutes les 30 minutes, au lieu des 45 minutes actuellement autorisées, sans exception pour les programmes destinés à la jeunesse.
Source : Capucine Cousin et Véronique Richebois, Les Echos, 29/01/07, http://www.lesechos.fr