Les effets de l’introduction de la perche du Nil



L'occupation humaine du pourtour du lac Victoria, aujourd'hui partagé entre trois États (Tanzanie, Ouganda, et Kenya contrôlant respectivement 49 %, 45 % et 6 % de sa superficie), s’est renforcée au cours du XXe siècle, suite à l’introduction de la perche du Nil dans les années 1950, entraînant le défrichement des forêts riveraines pour la construction, la mise en culture et la fourniture de combustible.
Dans les années 1980, la demande étrangère de perche du Nil provoque une hausse importante des prix du poisson et un boom économique local. La population afflue sur les rives du lac. Mais, alors que les poissons de petite taille destinés à la consommation locale étaient traditionnellement séchés à l’air libre, la chair de perche est conservée par fumage, ce qui accentue la demande de bois et le défrichement.
À l’initiative d’investisseurs étrangers et aussi avec l’aide de l'UE, une pêche industrielle s'organise : bateaux à moteurs, usines de traitement du poisson, exportation des filets frais ou congelés vers l’Europe. Chaque semaine, environ cinq avions cargos venus d'Ukraine, de Hollande ou de Belgique atterrissent à l'aéroport de Mwanza pour emporter quelque 400 tonnes de filets de perche du Nil vers l'Europe ou l'Asie. En 2003, les importations de l'UE se sont élevées à 45 000 tonnes, la Belgique et les Pays-Bas en étant les premiers importateurs.
Mais ces captures et exportations sont dépendantes à la fois de l'écosystème très fragile du lac et des fluctuations des politiques d'importation des pays consommateurs. Les fluctuations des exportations (en volume et en valeur) proviennent, en partie, des effets des normes sanitaires appliquées par l'UE et de campagnes de presse négatives. Par exemple, l’UE a mis en janvier 1998 un embargo sur les produits de la pêche provenant du lac Victoria suite à des rapports sur une épidémie de choléra et à la présomption de conditions d'hygiène médiocres dans les usines de transformation. L'interdiction a provoqué une chute de 66 % des exportations de poisson vers l'UE et une chute de 32 % des revenus en devises par rapport à l'année précédente. Les producteurs du lac Victoria subissent aussi la concurrence, asiatique principalement, qui propose des sources d'approvisionnement alternatives en produits de la pêche : par exemple les importations de poisson-chat du Mékong en provenance du Vietnam.
La réduction de la taille moyenne des prises, passée de 20 à 30 kg dans les années 1980 à 2 à 3 kg, montre que l’effort de pêche sur l’espèce est supérieur aux ressources et au renouvellement des stocks, les prises se faisant désormais sur la population juvénile. La perspective de la disparition de cette espèce exotique est perçue avec inquiétude par les acteurs locaux et attise les tensions entre les pêcheurs (vols par exemple). Aussi, un responsable de l’Institut kenyan de recherche sur la pêche et la marine se dit favorable à une réintroduction artificielle de la perche du Nil si nécessaire, ce qui pourrait alors mettre les pêcheurs sur la voie de l'aquaculture.
Sources : d’après Géoconfluences - http://geoconfluences.ens-lsh.fr/doc/breves/2005/3.htm