Les scientifiques entérinent la responsabilité de l'homme dans le réchauffement climatique



Le débat scientifique sur le rôle de l'activité humaine dans le réchauffement climatique est clos : c'est ce qu'indiquent sans ambiguïté les climatologues dans le dernier rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), publié vendredi 2 février à Paris. Le Résumé pour les décideurs expose que «l'essentiel de l'augmentation observée des températures moyennes depuis le milieu du XXe siècle est très probablement dû à l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre engendrées par l'homme».
Dans le langage du GIEC, «très probablement» signifie «avec une probabilité supérieure à 90 %». Le document enfonce le clou en précisant : « C'est une avancée depuis la conclusion du troisième rapport du GIEC [en 2001] qui était que «l'essentiel du réchauffement observé pendant les cinquante dernières années est probablement dû à l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre». On est ainsi passé de «probablement» (probabilité supérieure à 66 %) à «très probablement», et l'expression «engendrées par l'homme» («anthropogenic» dans l'original anglais) a été ajoutée.Tout le texte manifeste la volonté d'expliquer que les connaissances accumulées depuis 2001 confirment tant l'importance du changement climatique à l'œuvre que la responsabilité humaine dans ce phénomène, en raison des émissions de gaz à effet de serre. Le texte final est d'ailleurs renforcé par rapport à la version initiale sur laquelle les quelque 500 délégués réunis à Paris ont commencé à travailler lundi 29 janvier. «Le travail a été méticuleux, précis, il n'y a pas eu de débat idéologique», indique Hervé Le Treut, un des scientifiques français qui ont participé à la conférence.Le rapport livre deux estimations du réchauffement envisageable si rien ne change. D'une part, il indique que, si l'on était dans une situation où la concentration de gaz carbonique atteignait, à l'équilibre, 560 parties par million (ppm), contre 380 aujourd'hui, la hausse de température se situerait entre 2 °C et 4,5 °C, avec une  «meilleure estimation» à 3 °C. Un réchauffement inférieur à 1,5 °C serait «très improbable», des valeurs supérieures à 4,5 °C ne pourraient «être exclues».D'autre part, le rapport indique les résultats des scénarios envisageant une élévation continue des concentrations de gaz carbonique. Selon les valeurs envisagées et les différents modèles informatiques, on dispose d'un éventail de valeurs de réchauffement possibles. La fourchette retenue par le GIEC va de 1,8 °C à 4 °C pour les valeurs centrales à la fin du XXIe siècle. Les valeurs extrêmes vont de 1,1 °C à 6,4 °C, alors qu'elles étaient de 1,4 °C à 5,8 °C dans le rapport de 2001.Les climatologues ont par ailleurs précisé un grand nombre de données. Ainsi, la concentration en gaz carbonique dans l'atmosphère «dépasse de loin» ce qui a été observé depuis 650 000 ans. Il en va de même du méthane, un autre gaz à effet de serre. Le réchauffement actuel du climat est «sans équivoque». Les glaciers de montagne déclinent ainsi que ceux du Groenland et de l'Antarctique, tandis que le niveau de la mer s'élève plus rapidement qu'auparavant, de plus de 3 mm par an.Pour l'avenir proche, les scientifiques envisagent une réduction de la couverture neigeuse et du pergélisol (couche de terre glacée en Sibérie et au Canada), une plus grande fréquence («très probablement») de vagues de chaleur et d’ «événements à fortes précipitations», des cyclones à plus forte intensité.Ils insistent aussi sur le fait que pour stabiliser la concentration de gaz carbonique à 450 ppm (un niveau limitant les effets négatifs du changement climatique), il faudrait réduire les émissions annuelles de gaz carbonique de 25 milliards de tonnes (le niveau actuel) à 18, soit une réduction de plus d'un tiers.Le message des scientifiques est clair et sonne comme une réplique définitive aux «sceptiques» du changement climatique. La question n'est plus maintenant essentiellement scientifique, mais politique : comment les sociétés humaines vont-elles – ou non – modifier leur fonctionnement pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et éviter un réchauffement trop nuisible à l'humanité ?
Source : Le Monde, 2 février 2007 - Hervé Kempf