Une organisation communautaire originale



Dès le départ, avec le concours de militants chrétiens, de militants de mouvements politiques de gauche et de professionnels d'ONG liméennes, Villa el Salvador (VES) se dote d'une forme particulière d'organisation sociale de son espace, en faisant du groupe résidentiel l'unité de base de l'organisation de son territoire. Le groupe résidentiel comprendra en moyenne 384 familles, soit entre 2 000 et 2 500 personnes. Les familles disposent de maisons regroupées autour d'une place commune réservée aux services de base qu'elles ont en commun : l'école maternelle, le centre de santé, le local communal, le terrain de jeu. VES crée ainsi 120 places communes.
VES innove en brisant le modèle colonial des villes d'Amérique latine construites autour de la Plaza de armas, bordée par le palais du gouverneur, l'église, le palais de justice et la prison qui symbolisent le pouvoir de l'État et de l'Église. Dans le cas de VES, au contraire, la place commune est un concept favorisant la décentralisation puisque chaque place est le centre d'un milieu de vie. Elle est conçue de façon communautaire, avec une démocratie à l'échelle microsociale, c’est-à-dire concernant un petit groupe constitué de personnes.
À VES, les places communes forment un ensemble d'espaces démocratiques. La vieille loi du voisinage en milieu rural est à la base de cette organisation sociale. Cinq délégués sont élus annuellement dans chaque groupe résidentiel pour prendre en charge la santé, la condition des femmes, les sports, l'éducation et la culture (jeunes), et l'activité économique. Ce modèle est profondément ancré dans la tradition communautaire indienne.
Depuis 1984, VES est détachée de la municipalité de Lima et a pu élire son maire. Le pouvoir est désormais partagé entre l'organisation communautaire de la population et la municipalité. Des délégués nommés par chacun des 120 groupes résidentiels forment la Communauté urbaine autogérée de Villa el Salvador (CUAVES). La municipalité et ses élus ont reconnu l'organisation communautaire : les deux parties, la municipalité et la CUAVES, ont passé un accord pour confier le pouvoir à une commission mixte à laquelle participent les élus municipaux, les fonctionnaires et des délégués de la CUAVES chargés de traiter de toutes les questions qui les concernent avec la municipalité. Source : d’après Louis Favreau et Lucie Fréchette, Développement communautaire et économie sociale : l’expérience péruvienne de Villa el Salvador, Observatoire en économie sociale et en développement régional, in Cahier de la chaire de recherche en développement communautaire, 1998