Déchets, les recycleurs et les recyclés



Promouvoir un modèle de croissance fondé sur le productivisme et la consommation a bien des désavantages, le plus préoccupant étant la création exponentielle de déchets dont il est difficile de se débarrasser. Les statistiques ne permettent pas vraiment de mesurer l’ampleur du phénomène, surtout s’agissant des déchets industriels, qui font l’objet d’un commerce international et voyagent parfois sur de très longues distances. La montagne de déchets issus de la production et de la consommation encombre chaque jour un peu plus les sociétés urbaines. Non seulement la population augmente vite et consomme plus, mais encore les produits industriels, souvent « suremballés », ont une durée de vie moyenne qui raccourcit.
Les produits fabriqués actuellement sont par ailleurs composés d’un nombre grandissant de matériaux difficilement dégradables, comme certains plastiques. Les capacités de gestion des déchets étant largement moindres que celles mises en oeuvre pour produire les biens de consommation, l’accumulation s’annonce difficile à freiner, surtout au regard du taux de croissance de certains pays d’Asie très peuplés.
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Les statistiques [...] montrent une nette augmentation du volume de déchets en mouvement : pour 50 pays déclarants, les volumes échangés sont passés de 2 millions de tonnes en 1993 à 8,5 millions de tonnes en 2001. Les trois quarts des cargaisons ont fait l’objet d’échanges entre les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Presque tous ces déchets étaient classés comme « dangereux », selon la terminologie officielle – une terminologie hasardeuse, car des déchets a priori inoffensifs, s’ils sont mal gérés, peuvent eux aussi devenir nocifs.
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C’est [...] au nom du « recyclage » que les pays occidentaux envoient en Asie ou en Afrique des déchets au traitement jugé trop polluant ou trop peu rentable. Le cas des déchets électroniques (ordinateurs, téléphones portables…) est représentatif : leur volume augmente de façon exponentielle, leur durée d’utilisation diminue constamment, plusieurs des composants utilisés sont toxiques (cadmium, plomb, mercure), et ils sont envoyés en Chine, en Inde ou en Afrique du Sud pour être démantelés et « recyclés ». Non seulement cette activité met en danger la santé des travailleurs, dont les conditions de travail demeurent inadaptées aux substances qu’ils manipulent, mais elle contamine l’air, les sols et les nappes phréatiques. Il en va de même avec le démantèlement des vieux cargos, spécialité de la Chine, de l’Inde et du Bangladesh. Nombre d’écologistes dénoncent ce type de recyclage et se mobilisent pour promouvoir de nouvelles alternatives : repenser la production en tenant compte du devenir des produits, traiter les déchets au niveau local pour éviter leur transfert sur de longues distances, les revaloriser en tant que matière première ou source d’énergie, mais d’abord et avant tout maîtriser la consommation. Commun à de nombreux débats actuels sur l’environnement, cet objectif semble constituer la seule issue crédible pour une planète qui, d’ici à 2050, devrait compter plus de 9 milliards de personnes.
Source : Le monde diplomatique - Atlas 2006 - La planète en danger - février 2006 - :
http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/atlas-dechets